Aimez-vous Poe |
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Quelques secondes après son départ, les valets du sultan gagnèrent la même chambre mais cette fois ci dans le but de la ranger. Évidemment, le lit défait attira en premier leur attention. Ils le firent et ce faisant remarquèrent la présence du parchemin derrière l’un de ses montants. Comme ils étaient analphabètes, ils déposèrent vite le parchemin sur le bureau du sultan et ressortirent sans aviser personne de cette trouvaille, à leur avis sans nul intérêt. Le vizir la tête et le dos baissés gagna lentement la bibliothèque où quatre scribes l’attendaient impatiemment chaperonnés par un vieux maître en qui la cour avait toujours eu confiance. Le vizir demanda aux scribes de s’asseoir puis déposa un parchemin vierge devant chacun d’eux. Sans faire montre d’hésitations ou de soucis il livra l’original qui portait le sceau royal à leur maître et ajouta l’air confiant : « Fais que tes scribes s’appliquent à copier l’intégralité de l’original dans les plus brefs délais. » Le maître en déroulant l’original crut que c’était un coup de grâce et la fin de sa carrière à la cour. Il murmura en tremblant quelques prières et demanda les yeux aussi imperméables que celles du vizir si les scribes devaient terminer cette tâche le jour même. « Absolument, répondit le vizir, je vais même vous attendre ici afin d’y apposer le sceau royal sitôt les copies terminées. » Le maître se tourna alors vers les scribes, plaça l’original au milieu de la table et leur fit signe de commencer. Les scribes bien qu’ils raclèrent la gorge bruyamment comprirent vite qu’ils devaient passer à l’action. Ils déposèrent leur turban sur la table, retroussèrent silencieusement les manches de leurs chemises, trempèrent leur plume dans leur encrier et se mirent à survoler les parchemins avec des mains tremblantes. Ils donnèrent l’air d’écrire et nul n’osa lever les yeux de peur de croiser ceux de leur maître ou pire ceux du vizir. Comme la tâche de copier un parchemin prenait environ une heure les scribes patientèrent et firent en sorte de la prendre. C’est à la fin de cette heure que le maître tapa finalement sur l’épaule de l’un des scribes et déclara au vizir «mission accomplie.» Le vizir les remercia tout en les raccompagnant à la porte de la bibliothèque puis retourna à la table devant laquelle il tira de sous son caftan le sceau royal et l’apposa sur les quatre copies. Il les glissa par la suite encore une fois sous son caftan et vida les lieux. Résigné à la virginité du contenu, le vizir s’adressa de nouveau à la reine qu’il venait de croiser à quelques pas de la bibliothèque. Cette fois ci pour connaître son interprétation de la blancheur du parchemin. La reine réaffirma encore une fois qu’elle ne pouvait en aucun cas divulguer les secrets de son mari le sultan. · Mais votre majesté, je n’y ai rien compris, risqua le vizir toujours sans mentionner le vide. Comment toi le vizir oses-tu dire une telle chose, objecta la reine. Heureusement que les affaires de l’état ne m’intéressent pas, conclut-elle. |
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